Par le goût d’un métier alliant statut d’artiste et d’artisan. L’attrait du métal, du bois avec une sensibilité prononcée pour les odeurs de vernis, d’huile, d’encre…
Le vaste choix des techniques, la diversité des papiers et des matériaux servant de matrices, cette recherche de l’empreinte pour imprimer une émotion.
L’évolution de la gravure l’a libérée des contingences de la reproduction, elle est désormais autonome. Libre et solitaire.
Choisir aujourd’hui la gravure comme un mode d’expression à part entière implique l’exigence d’un résultat plastique propre qu’aucune autre technique ne pourrait offrir : la gravure n’est pas reproductible autrement que par elle-même. La pratique de la gravure (de l’estampe) correspond, plus qu’à un désir de tradition, à un rapport au monde, à une philosophie et une poétique dont les mobiles sont à chercher en amont des techniques, dans son principe même et dans le sens du mot, des mots.
Graver, l’acte de graver est, comme le langage, propre à l’humanité, Les grottes gravées, les os et pierres incisés de traits parallèles régulièrement espacés témoignent nettement d’une volonté de communiquer, de comprendre, de dénombrer, de mesurer, Déjà la gravure native se place sous le signe du multiple, de la connaissance, de la transmission et de l’émotion face au réel.
Graver, c’est prendre un engagement.
De l’incision sont nés : figuration, symbolique -
L’estampe est transfert. La matrice est instance, l’épreuve est dévoilement. Graver, c’est se situer volontairement dans l’entre-deux, dans l’intervalle de la matière et du signe, entre incision et écriture, entre le minéral et le vivant, dans l’espoir d’unité.
Graver, Creuser suppose résistance, désir, volonté, investissement du corps. On ne creuse jamais sans raison, on ne grave jamais sans raison.
Le graveur en creusant cherche à gravir, Il a besoin de la surface pour créer de la profondeur et prendre de la hauteur, Comme le poète, il pratique l’oxymore et appareille les contraires. Quelle qu’en soit l’étymologie, graver revient à clarifier l’obscur, Le sujet et l’objet de la gravure sont uniques et le même : le noir de l’origine et l’obscurité de la langue – le noir de l’encre en serait la mémoire, la trace. L’obscurité est à l’oeuvre chez Pierre Soulages, et bien d’autres), ils rayent, grattent, gravent jusqu’au noir, jusqu’à la perte de l’évidence du réel ; jusqu’au noir originel, puis, du creux du noir naît la lumière. La nuit engendre le jour. Le graveur est un guetteur d’aube.
La gravure, l’estampe, sont métaphore de l’engendrement, « papier amoureux, matrice, lange, berceau »… C’est toujours de désir, d’origine et de reproduction qu’il s’agit. Désir d’origine et d’engendrement alliance du sec et de l’humide, du dur et du tendre, du chaud et du froid, de l’eau et du feu, du sucre et de l’acide… L’estampe est émergence d’un à-venir. L’estampe est autant dessein que dessin, « comme si le dessin était déclaration d’amour destinée ou ordonnée à l’invisibilité de l’autre…»
La gravure m’est rapidement apparue comme un art majeur. Si la peinture et le dessin m’ont fait découvrir le monde des formes, la gravure m’a surtout conduit vers l’approfondissement. La gravure n’est pas, pour moi, un simple procédé de reproduction. Les tirages d’état m’offrent la possibilité de garder le souvenir de certains moments forts et même de les éditer ; grâce à la gravure, je peux conserver et montrer ces états privilégiés Il y a aussi la possibilité d’utiliser plusieurs matrices et de les agencer, comme des polyptyques, et de façon différentes. Cette pratique est spécifique à la gravure, elle me permet de travailler longtemps et de réunir dans une seule image des moments plus ou moins éloignés dans le temps. J’aime toutes les techniques de gravure, mais je préfère la taille directe qui une grande spontanéité. En taille douce, c’est surtout le burin, la pointe sèche et les rehauts de berceau. En taille d’épargne, naturellement la xylogravure. La gravure est, pour moi, l’art des profondeurs.
Ses gravures deviennent la prolongation naturelle et évidente de sa démarche sur l’empreinte commencée dans son travail de dessin.
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